Le 16 mars 2020. Trois mois et demi après l'ouverture de Punch.
Ce soir-là, comme tout le monde, j'étais devant ma télévision. Le studio affichait des chiffres encourageants. Notre communauté se formait. L'élan était bon.
Puis Macron: "Nous sommes en guerre." Fermeture immédiate de tous les lieux non essentiels.
Ma première réaction a été contradictoire: un soulagement physique, après des semaines à 15 heures par jour, mêlé à l'inquiétude de voir notre dynamique brisée net.
Le soulagement, c'était celui du corps. Depuis l'ouverture, Tristan et moi étions sur un rythme intenable. Ouverture à 6h30, fermeture à 22h, sept jours sur sept. La machine Punch ronronnait, mais nous, nous étions au bord de l'épuisement. Une semaine de pause forcée ne serait pas si mal.
Une semaine. C'est ce que je pensais alors. C'est ce que nous pensions tous.
La réalité allait être bien différente.
Le vide, la page blanche
Le lendemain, j'ai envoyé un message à toute l'équipe pour annoncer la fermeture du studio pour une durée indéterminée. Simple, direct, pragmatique. Mais derrière ces mots se cachait une profonde incertitude. Notre modèle économique reposait entièrement sur la présence physique. Sans présence, pas de revenus. Sans revenus, combien de temps pourrions-nous tenir?
Je me souviens avoir fait un calcul rapide ce premier jour de fermeture : nous avions l'équivalent de neuf mois de trésorerie si nous continuions à payer le loyer. Neuf mois semblaient une éternité. Qui pourrait imaginer être fermé aussi longtemps?
Mais un entrepreneur n'est jamais aussi créatif que lorsqu'il est dos au mur. Et Chloé l'a compris immédiatement : "Il faut absolument qu'on continue de garder un lien avec notre communauté. Sur un lancement, un lieu physique, si on ne fait rien, toute la bonne dynamique du départ sera à reconstruire."
Elle avait raison. Et c'est là que commence l'histoire de notre réinvention.
L'innovation forcée
Dès le premier jour du confinement, nous avons fait quelque chose qui aujourd'hui paraît évident mais qui, à l'époque, était encore rare : créer du contenu digital pour notre communauté. Nous avons lancé des lives Instagram, d'abord modestes, puis de plus en plus élaborés.
Nous faisions partie des tout premiers à le faire, ce qui nous a permis de bénéficier d'une attention considérable. Des milliers, se connectaient. Notre communauté Instagram a explosé, passant de 2 000 à plus de 20 000 followers en quelques semaines.
Le succès a été tel que d'autres studios ont rapidement suivi. Le marché s'est saturé de "lives fitness". Pour garder notre avance, il fallait innover à nouveau.
C'est ainsi qu'est né "Punch à la Maison" – une plateforme de streaming où nos abonnés pouvaient suivre des cours filmés avec plusieurs caméras, avec une qualité professionnelle. Chaque semaine, nous ajoutions de nouveaux contenus. Nous tournions dans mon appartement, avec un caméraman/monteur, tous munis de justificatifs de déplacement professionnel.
Ce projet a fait deux choses essentielles : il a maintenu le lien avec notre communauté et il a gardé nos coachs engagés. Ils avaient un projet concret, une mission, un objectif. Ils se sentaient utiles dans un moment où beaucoup se sentaient impuissants.
Et puis, il y a eu les retours des clients. Des dizaines de messages de personnes seules, confinées, qui nous disaient que ces cours étaient leur bouffée d'oxygène quotidienne. Leur lien avec le monde extérieur. Leur routine dans un quotidien devenu chaotique. Ces messages donnaient du sens à nos efforts.
L'audace comme stratégie
Quand les confinements se sont prolongés, il a fallu inventer des solutions pour recréer du lien physique. Puisqu'on ne pouvait pas ouvrir nos studios, on a décidé d'amener Punch à l'extérieur.
On a commencé par organiser des cours hebdomadaires dans les Tuileries. On appelait ça les "Punch Camp". L'idée: des cours en plein air avec des casques sans fil sur la tête des clients pour qu'ils puissent entendre la musique et les instructions du coach.
Je me souviens de notre premier Punch Camp. On n'avait pas trouvé de batterie portable pour alimenter la sono, alors on a loué un groupe électrogène énorme, totalement surdimensionné pour nos besoins. C'était complètement artisanal, mais ça marchait. Nos clients étaient là, heureux de se retrouver, de transpirer ensemble, de recréer cette communauté qui nous manquait tant.
(Cette photo ne rend pas hommage à Tristan mais on voit bel et bien le groupe électrogène)
Les fois suivantes, on a peaufiné le concept. Meilleur équipement, meilleure organisation. Le bouche-à-oreille a fonctionné, et nos sessions se remplissaient rapidement. Puis, comme toujours dans ce secteur, les autres studios ont commencé à copier. En quelques semaines, les parcs parisiens se sont remplis de cours de fitness en extérieur.
On voulait toujours avoir un coup d'avance. C'est là qu’on a eu l'idée du toit des Galeries Lafayette. Un lieu iconique, avec vue sur tout Paris, qui nous permettrait de créer une expérience vraiment unique.
J'ai envoyé un email à un cadre des Galeries Lafayette. Pas de réponse. Puis j'ai appris qu'un concurrent avait fait quelque chose de similaire ailleurs. J'ai immédiatement fait une capture d'écran et l'ai envoyée au même cadre avec un message simple: "Vos concurrents l'ont fait. Vous voulez qu'on le fasse mieux chez vous?"
Cette fois, la réponse a été immédiate. Une réunion a été organisée, et on a obtenu l'autorisation d'organiser un cours avec plus de 100 personnes en simultané sur leur toit. Face au succès, ils nous ont proposé de renouveler l'expérience pendant un mois entier.
Cette stratégie du "toujours plus wow" nous a permis de rester dans la course, de maintenir notre position de leader d'opinion, et surtout de garder un lien fort avec notre communauté.
Un nouveau paysage du fitness
Juin 2020. Après des mois de fermeture, nous avons enfin pu rouvrir nos portes. Mais le paysage du fitness avait radicalement changé.
Les salles de sport traditionnelles étaient dévastées. Leur modèle reposait sur un secret bien gardé: les "clients dormants" — ces abonnés qui payent mais ne viennent jamais. Une salle classique est dimensionnée pour accueillir physiquement un certain nombre de clients tout en sachant que 30 à 50% ne se présenteront pas. Le confinement avait laissé suffisamment de temps à ces clients pour réaliser qu'ils payaient pour rien et annuler leurs abonnements.
Pour les studios comme nous, c'était différent. Notre modèle "pay-as-you-go" nous protégeait de ce problème, mais nous étions confrontés à d'autres défis: les habitudes avaient été brisées, le télétravail avait vidé les quartiers d'affaires, et la peur sanitaire persistait.
Pourtant, nos cours étaient complets dès la réouverture. Pourquoi? Parce qu'on avait été les premiers à communiquer de façon originale pendant la fermeture. On avait rempli un vide. Quand tout le monde se taisait, on parlait. Quand tout le monde attendait, on agissait.
La magie venait du fait qu'on avait organisé énormément de choses sans en espérer un retour financier immédiat. Les lives gratuits, les Punch Camp, les initiatives sur les toits... Tout ça avait coûté de l'argent et de l'énergie sans nous rapporter directement. Mais ça avait construit quelque chose de plus précieux: une loyauté, une reconnaissance, une communauté.
Les premiers clients à revenir étaient les plus engagés, ceux qui avaient suivi notre aventure pendant le confinement. L'ambiance était électrique. Un mélange d'excitation collective et de soulagement partagé.
Bien sûr, il a fallu s'adapter: jauges réduites, désinfection systématique, masques en dehors des zones d'entraînement. Mais l'essentiel était là: Punch vivait à nouveau.
Cette reprise a duré trois mois. Et puis, en septembre, nouveau confinement. Cette fois, le moral n'était plus le même. La perspective d'un hiver enfermé, sans lumière, sans activité, semblait insurmontable. C'est à ce moment que j'ai eu mes premiers doutes sérieux.
Mais nous n'avions pas le choix. Il fallait avancer, encore. Encaisser, toujours.
Cette deuxième fermeture était différente de la première. La première nous avait pris par surprise, mais nous avait aussi stimulés. La seconde nous frappait alors que nous étions déjà fragilisés, épuisés par des mois de combat. Le terrain de jeu avait changé. Les règles aussi.
La seule lueur d'espoir: entre les deux confinements, nous avions prouvé que notre modèle fonctionnait. Forts de ce succès, nous avions commencé à chercher des investisseurs pour accélérer notre développement. Des salles pleines, une communauté engagée, une marque qui résonnait dans Paris – nous avions des arguments solides. Mais cette quête de financement, cette nouvelle étape de notre aventure entrepreneuriale, c'est une autre histoire que je vous raconterai dans le prochain épisode.
Pour l'heure, l'urgence était ailleurs. Il était temps de penser non plus à la survie immédiate, mais à la réinvention stratégique. Comment Punch pouvait continuer d'exister dans un monde où les salles de sport fermeraient peut-être régulièrement? Comment transformer cette crise en opportunité?
L'enjeu n'était plus seulement de garder la tête hors de l'eau. Il fallait redéfinir ce qu'était Punch. Repenser notre modèle. Explorer de nouvelles pistes.
La bataille pour la survie immédiate était gagnée. Mais la vraie bataille, celle de la réinvention stratégique, ne faisait que commencer…
1. La résilience est une compétence, pas un trait de caractère
Ce que ça veut dire :
On ne naît pas résilient, on le devient en encaissant les coups.
Chaque obstacle surmonté renforce ta capacité à faire face au suivant.
La résilience, c’est une forme de mémoire musculaire émotionnelle.
Elle se forge dans l’action, pas dans la théorie.
Et plus tu la pratiques, plus elle devient ta base.
2. Les contraintes forcent la créativité
Ce que ça veut dire :
Quand la voie évidente est bloquée, tu dois trouver des chemins que tu n'aurais jamais explorés autrement.
Ce n’est pas une option, c’est une obligation.
Le manque de ressources devient un levier pour l’ingéniosité.
Sans le Covid, on n’aurait jamais testé le digital, les rooftops, ou les Punch Camp.
Certaines idées qui ont défini notre ADN sont nées de contraintes, pas d’un plan.
3. Les vraies communautés se forgent dans l’adversité
Ce que ça veut dire :
Les clients qui nous ont suivis pendant cette période sont devenus nos meilleurs ambassadeurs.
Ils n’ont pas juste consommé un service. Ils ont partagé un combat.
Ce lien-là ne s’achète pas. Il se construit dans le réel.
Pas de bullshit marketing ici, juste une réalité :
on se souvient de ceux qui restent quand tout s’effondre.
Hâte d'en découvrir plus sur ton nouveau projet :)